Narendra Modi: «Pour une mondialisation tournée vers l’humain»

Par Narendra Modi

TRIBUNE - Le premier ministre indien expose les enjeux du sommet du G20 qui se tiendra les 9 et 10 septembre à New Dheli. L’Inde, explique-t-il, saura mettre à profit la présidence du G20 pour porter haut les valeurs du multilatéralisme et de la démocratie.

«Vasudhaiva Kutumbakam» - ces deux mots traduisent une philosophie profonde. Ils signifient: «Le monde est une seule famille.» C’est une vision globale qui nous encourage à progresser en tant que famille universelle, transcendant les frontières, les langues et les idéologies. Durant la présidence indienne du G20, cela s’est traduit par un appel à un progrès centré sur l’humain. En tant qu’une seule Terre (One Earth), nous nous rassemblons pour nourrir notre planète. En tant que famille unique (One Family), nous nous soutenons mutuellement dans notre quête de croissance. Et nous avançons ensemble vers un avenir commun (One Future), réalité indéniable en ces temps interconnectés.

L’ordre mondial post-pandémique est très différent du monde d’avant. Il y a, notamment, trois changements importants. Premièrement, une prise de conscience croissante qu’il faut passer d’une vision du monde centrée sur le PIB à une vision centrée sur l’humain. Deuxièmement, le monde reconnaît l’importance de la résilience et de la fiabilité des chaînes d’approvisionnement. Troisièmement, il y a une aspiration collective à renforcer le multilatéralisme à travers la réforme des institutions mondiales. Notre présidence du G20 a joué le rôle de catalyseur dans ces changements. En décembre 2022, lorsque nous avons succédé à l’Indonésie, j’avais écrit que le G20 devait être le catalyseur d’un changement de mentalité. C’était nécessaire pour remettre au centre du jeu les aspirations jusque-là marginalisées des pays en développement, du Sud et de l’Afrique. Le sommet de la voix du Sud, auquel ont participé 125 pays, a été l’une des initiatives les plus importantes de notre présidence. Il s’agissait d’un exercice essentiel pour recueillir les contributions et les idées des pays du Sud. Notre présidence a donné lieu à la plus grande participation de pays africains vue jusqu’ici, et a également poussé pour inclure l’Union africaine en tant que membre permanent du G20.

Un monde interconnecté signifie que nos défis dans tous les domaines sont interdépendants. Nous sommes à mi-parcours de l’Agenda 2030 de l’ONU et nombreux sont ceux qui constatent avec inquiétude que les progrès vers les objectifs du développement durable (ODD) ont pris du retard. Le plan d’action 2023 du G20 sera le fer de lance de l’orientation du G20 vers la mise en œuvre des ODD.

En Inde, vivre en harmonie avec la nature est la norme depuis l’Antiquité, et nous faisons notre part pour contribuer à l’action climatique même à l’époque moderne. De nombreux pays du Sud se trouvent à différents stades de développement et l’action climatique doit être une démarche complémentaire. Les ambitions touchant à l’action climatique doivent s’accompagner d’actions en matière de financement climatique et de transfert de technologie. Tout comme le yoga est devenu un mouvement de masse mondial pour le bien-être, nous avons également donné un coup de pouce au monde avec des modes de vie pour un environnement durable (Life).

En raison de l’impact du changement climatique, il sera crucial d’assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Les millets ou Shree Anna (« la mère de tous les grains ») peuvent y contribuer tout en favorisant une agriculture intelligente face au climat. À l’occasion de l’année internationale du millet, nous avons amené le mil aux palais du monde entier. Les principes directeurs du Deccan sur la sécurité alimentaire et la nutrition sont également utiles dans cette direction.

La technologie est transformatrice, mais elle doit également être inclusive. Dans le passé, les bénéfices des progrès technologiques n’ont pas profité de la même manière à toutes les couches de la société. Au cours des dernières années, l’Inde a montré comment la technologie pouvait être mise à profit pour réduire les inégalités plutôt que les accroître. Par exemple, les milliards de personnes dans le monde qui ne disposent pas de compte bancaire ou qui n’ont pas d’identité numérique peuvent sortir de l’exclusion financière grâce à l’infrastructure publique numérique (IPD). Les solutions que nous avons construites à l’aide de notre IPD sont reconnues mondialement. Désormais, à travers le G20, nous aiderons les pays en développement à adapter, construire et développer l’IPD pour libérer le pouvoir d’une croissance inclusive.

Le fait que l’Inde soit la grande économie à la croissance la plus rapide n’est pas un hasard. Nos solutions simples, évolutives et durables ont permis aux personnes vulnérables et marginalisées de prendre la tête de notre développement. De l’espace au sport, de l’économie à l’entrepreneuriat, les femmes indiennes ont pris les devants dans divers secteurs. Elles ont permis de passer d’un discours sur le développement des femmes à un développement dirigé par les femmes. Notre présidence du G20 s’efforce de réduire la fracture numérique entre les sexes, de réduire les écarts de participation au marché du travail et de permettre aux femmes de jouer un rôle plus important dans le leadership et la prise de décision.

Pour l’Inde, la présidence du G20 n’est pas simplement une entreprise diplomatique de haut niveau. En tant que « mère de la démocratie » et modèle de diversité, nous avons ouvert les portes de cette expérience au monde. C’est devenu un mouvement conduit par le peuple. Aucune présidence n’a jamais englobé une étendue géographique aussi vaste et diversifiée que la nôtre.

C’est une chose d’entendre quelqu’un parler de la démographie, de la démocratie, de la diversité et du développement de l’Inde. C’est totalement différent d’en faire l’expérience directe. Notre présidence du G20 s’efforce de combler les fossés, de démanteler les barrières et de semer les graines d’une collaboration qui nourrit un monde où l’unité prévaut sur la discorde, où le destin partagé éclipse l’isolement. En tant que président du G20, nous nous étions engagés à élargir la table mondiale, en veillant à ce que chaque voix soit entendue et que chaque pays y contribue. Je suis convaincu que les actions et les résultats produits ont été à la hauteur de notre engagement.

Le Figaro