La tendance baissière amorcée en 2024 devrait se poursuivre pour les cours du pétrole, notamment sous l'effet d'une production américaine au plus haut. Certains analystes voient le baril de Brent plonger sous les 70 dollars. Sur le gaz, les tensions s'apaisent mais la menace n'a pas disparu.
Par Nicolas Rauline, LES ECHOS
Le calme avant la tempête ? Malgré un contexte international agité, l'année 2024 aura été l'une des plus stables de ce dernier quart de siècle pour les prix du pétrole. Le baril de Brent a oscillé entre 70 et 90 dollars, avec une moyenne annuelle autour de 80 dollars. Soit une baisse de moins de 1% par rapport à 2023.
La tendance est toutefois clairement à la baisse depuis l'été. Sur les marchés, les données macro-économiques ont pris le pas sur les menaces diplomatiques, en particulier la situation au Moyen-Orient. La faiblesse de la demande chinoise reste ainsi en deçà des prévisions, à la fois du fait de la croissance ralentie et de la part de marché grandissante des véhicules électriques en Chine. Et la tendance devrait rester la même l'an prochain.
Le pétrolier chinois CNPC a révélé récemment que la demande chinoise pourrait atteindre un pic en 2025, cinq ans avant ses précédentes estimations. "L'ère où la Chine était le moteur de la croissance de la consommation de pétrole est terminée, annonce le patron et fondateur de Rystad Energy, Jarand Rystad. Le pic de consommation de diesel est désormais derrière nous, la demande de carburant stagne."
Du côté de l'offre, la production hors Opep+ devrait encore faire pression à la baisse sur les prix. L'arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche devrait permettre aux producteurs américains de maintenir, voire d'augmenter leur production l'an prochain. Elle pourrait ainsi battre de nouveaux records. Les dernières prévisions de l'agence américaine de l'énergie situent la production des Etats-Unis à 13,53 millions de barils par jour en 2025, contre 13,23 millions en 2024, soit une croissance de 2,3%. Et, depuis, les deux principaux pétroliers américains ont même revu à la hausse leurs ambitions pour la fin de la décennie: ExxonMobil prévoit d'augmenter sa production d'hydrocarbures de 18% d'ici à 2030, et Chevron va ajouter 50.000 barils supplémentaires par jour dans le Bassin permien.
Autant d'éléments qui vont dans le sens d'un déséquilibre du mar- ché, pointé par l'Agence internatio- nale de l'énergie (AIE). Celle-ci annonce un surplus de l'offre de 950.000 barils par jour en moyenne, l'an prochain. Un excé- dent qui atteindrait même 1,4 mil- lion de barils quotidiens, si l'Opep+ met en œuvre la fin de ses quotas de production.
Un baril à 60 dollars?
Lors de sa dernière réunion de l'année, l'organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés ont reporté au mois d'avril ce retour à la normale, après les quotas décidés depuis deux ans pour enrayer la baisse des prix.
L'Opep+ voit ses marges de manœuvre se réduire et a elle-même revu à la baisse ses prévisions de croissance. Selon elle, la consommation mondiale de pétrole s'établirait en 2024 à 103,82 millions de barils par jour (un million de barils de plus que les comptes de l'AIE) et l'an prochain à 105,27 millions. Ses économistes ont ainsi réduit leurs estimations de 210.000 barils quotidiens pour 2024 et 90.000 pour 2025.
Ces éléments plaident en faveur d'une poursuite de la tendance baissière l'an prochain. A tel point que les analystes de Citi voient le baril de Brent chuter à 60 dollars en 2025.
Ceux de Morgan Stanley ont, eux, remonté leur prévision à 70 dollars pour le deuxième semestre de l'an prochain, contre 66 à 68 dollars auparavant, après la décision de l'Opep+ de repousser ses hausses de production, estimant dans une note que la décision d'étaler le retour à la normale limitera l'excédent à 300.000 barils de brut par jour, contre 700.000 auparavant. L'Agence internationale de l'énergie, de son côté, voit les prix évoluer dans une moyenne de 72 à 74 dollars en 2025.
Donald Trump et l'arme gazière
Même cause, mais effets différents: l'arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche n'aura, à coup sûr, pas les mêmes résultats sur le marché mondial du gaz, l'an prochain. Si le président républicain compte bien favoriser la production américaine de gaz, la demande mondiale de gaz naturel liquéfié (GNL) demeure suffisamment élevée, en particulier en Europe, et l'offre encore limitée, pour exercer une pression sur le marché. Et Donald Trump pourrait utiliser l'arme gazière comme monnaie d'échange dans les négociations commerciales, avec la Chine ou avec le Vieux Continent.
Les prix du gaz sont redescendus autour de 40 euros le mégawatt-heure ces dernières semaines, après avoir frôlé les 50 euros début décembre. La baisse des consommations en Europe et la relative faiblesse de la demande chinoise ont relâché les tensions sur le marché (l'Allemagne va même arrêter les opérations de l'un de ses terminaux de regazéification, construits pendant la crise, au premier trimestre).
Mais l'année 2025 devrait rester sujette aux risques et à des flambées de prix limitées. Les grands projets de liquéfaction aux Etats-Unis et au Qatar n'entreront pas en service avant, au mieux, 2026, voire 2027. Les premiers ont été retardés par la pause de l'administration Biden dans l'attribution de permis. L'Europe devra donc garder encore un temps l'œil sur le niveau de ses stocks et se creuser la tête pour trouver comment se préparer à l'arrêt complet des importations russes, alors que la part du gaz russe est remontée à près de 20% des importations européennes, gazoducs et GNL confondus, à la fin de 2024.