Poutine et la menace nucléaire, les ambitions de Xi Jinping : le rapport alarmant de la CIA

Poutine et la menace nucléaire, les ambitions de Xi Jinping : le rapport alarmant de la CIA
السبت 24 مايو, 2025

Partie 1/3. Le rapport 2025 du Renseignement américain paraîtra le 28 mai en France. Extraits et analyse en avant-première.

Par Cyrille Pluyette. L’Express


Quels sont les périls qui attendent le monde dans un futur proche ? Comme tous les ans, les services de renseignement américains ont décortiqué les menaces représentées par les principaux pays et acteurs non étatiques hostiles aux Etats-Unis et à l’Occident. Bouclé en mars, quelques semaines après le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, leur rapport, qui sortira en version française aux éditions des Equateurs (Le Monde à venir vu par la CIA, à paraître le 28 mai) et dont L’Express révèle des extraits en avant-première, ouvre le second mandat du milliardaire, et porte déjà en partie sa marque. D’autant que le président américain a placé à la tête de la CIA et du FBI des personnes choisies pour leur loyauté et leur alignement idéologique.

Signe de la place prépondérante donnée aux enjeux domestiques, le texte démarre par un focus sur des problèmes internes aux Etats-Unis, comme le trafic de fentanyl – une drogue qui fait des ravages dans le pays – ou les activités criminelles liées à l'immigration illégale. Ce document n'en est pas moins précieux pour comprendre les priorités des Etats-Unis à l’international, dans un moment de grande volatilité et d’incertitude, alors que deux conflits majeurs sont en cours, en Ukraine et au Moyen-Orient, et que le rapprochement entre des puissances anti-occidentales (Chine, Russie, Corée du Nord, Iran) s’accélère.

Objet d’un rare consensus bipartisan à Washington, la Chine est de loin considérée comme la menace n° 1. Tant les républicains que les démocrates s’inquiètent des plans de l’empire du Milieu pour mettre fin à la domination de l’Amérique sur tous les plans (économique, technologique, diplomatique et militaire). Le texte insiste sur la modernisation très rapide de l’armée chinoise, destinée à contrer toute intervention des Etats-Unis dans le Pacifique, et sur la sophistication grandissante de ses attaques cyber. Quant à la Russie, la CIA rappelle qu’elle est la première puissance nucléaire de la planète et souligne qu’elle a "pris le dessus" en Ukraine, ce qui conduira à une "érosion progressive mais constante de la position de Kiev sur le champ de bataille, quelles que soient les tentatives des Etats-Unis ou de leurs alliés d’imposer à Moscou des coûts nouveaux et plus élevés". Un constat compatible avec l’ambition de Donald Trump de signer à tout prix un accord de paix pour mettre fin au conflit.

Les auteurs n’éludent pas néanmoins la "menace que représente [la Russie] pour la puissance et les intérêts mondiaux des Etats-Unis", ni ses ambitions militaires dans l’Arctique (notamment au Groenland), et dans l’espace. On apprend ainsi que les Russes seront bientôt capables de transporter une tête nucléaire avec un satellite. Une lecture éclairante mais guère rassurante…

La Chine : le rival le plus dangereux

Aux yeux de l’Amérique, la Chine, qui accélère la modernisation de son armée et cherche à lui ravir la place de première puissance économique mondiale, est de loin son adversaire le plus sérieux. "Il est presque certain que la Chine dispose d’une stratégie nationale à multiples facettes visant à supplanter les Etats-Unis en tant que puissance mondiale la plus influente d’ici à 2030", écrit la CIA. Sur le plan militaire, l’empire du Milieu "continuera probablement à se positionner de manière à avoir l’avantage dans un conflit potentiel avec les Etats-Unis". Il n’aura non plus de cesse "d’essayer de pousser Taïwan à l’unification et de mener des opérations cybernétiques de grande envergure contre des cibles américaines", note le rapport. Extraits.

Les progrès fulgurants de l’armée chinoise

"La Chine représente la menace militaire la plus complète et la plus solide pour la sécurité nationale des États-Unis. L’Armée Populaire de Libération [APL] met sur pied une force interarmées capable de mener une guerre à spectre complet pour défier l’intervention des États-Unis dans une situation d’urgence régionale.

[…] L’APL a la capacité de mener des frappes de précision à longue portée avec des armes conventionnelles contre la périphérie des Etats-Unis dans le Pacifique occidental, y compris à Guam, Hawaï et en Alaska. La Chine a mis au point une gamme de missiles balistiques et de croisière à charge conventionnelle pouvant être lancés depuis le continent, par voie aérienne et maritime, y compris par des sous-marins à propulsion nucléaire. La Chine pourrait envisager de développer des systèmes de missiles intercontinentaux à armement conventionnel qui, s’ils sont développés et mis en service, lui permettraient de menacer de frappes conventionnelles des cibles situées sur le territoire continental des Etats-Unis.

Une menace croissante sur Taïwan

En 2025, Pékin exercera probablement une pression coercitive plus forte sur Taïwan […]. La Chine renforce ses capacités militaires en vue d’une campagne contre le détroit tout en utilisant ses forces armées pour exercer une pression régulière sur Taïwan. L’Armée populaire de libération fait probablement des progrès constants mais inégaux dans les capacités qu’elle utiliserait pour tenter de s’emparer de Taïwan et de dissuader – voire, si nécessaire, de faire échouer – l’intervention militaire américaine. Elle intensifie la portée, la taille et le rythme de ses opérations autour de Taïwan. Les efforts agressifs déployés par Pékin pour affirmer sa souveraineté dans les mers de Chine méridionale et orientale exacerbent les tensions qui pourraient déclencher un conflit plus large".

Des attaques cyber de plus en plus efficaces

"La […] Chine reste la cybermenace la plus active et la plus persistante pour le gouvernement américain, le secteur privé et les secteurs critiques des réseaux d’infrastructure.

[…] Si Pékin estime qu’un conflit majeur avec Washington est imminent, le gouvernement pourrait envisager des opérations cybernétiques agressives contre les infrastructures critiques et les ressources militaires américaines. Ces frappes viseraient à dissuader les Etats-Unis d’agir militairement en entravant leur processus décisionnel, en provoquant une panique sociale et en perturbant le déploiement des forces américaines.

Les entreprises chinoises spécialisées dans l’IA sont déjà des leaders mondiaux dans les domaines de la reconnaissance de la voix et de l’image, de l’analyse vidéo et des technologies de surveillance de masse. ­ L’Armée populaire de libération prévoit probablement d’utiliser de grands modèles de langage pour générer des attaques de manipulation de l’information, créer des fausses nouvelles, imiter des personnes et activer des réseaux d’attaque".

Un arsenal nucléaire en expansion

"La Chine reste déterminée à moderniser, à diversifier et à étendre son dispositif nucléaire. Les armes nucléaires et les vecteurs avancés de la Chine constituent une menace directe pour le territoire national : elles sont capables de causer des dommages catastrophiques aux Etats-Unis et de menacer les forces militaires américaines ici et à l’étranger. La Chine possède très probablement des capacités de guerre chimique et biologique qui constituent une menace pour les forces américaines, alliées et partenaires, ainsi que pour les populations civiles".

L’espace, nouvelle ligne de front

"La Chine a atteint une couverture mondiale pour ses missions d’intelligence, de surveillance et de reconnaissance et un statut de classe mondiale pour presque toutes les technologies spatiales. Les opérations dans l’espace feront partie intégrante des campagnes militaires de l’Armée populaire de libération, et la Chine dispose déjà des capacités d’armement destinées à cibler les satellites américains et alliés. La Chine a déployé des capacités de contre-espace basées au sol, notamment des systèmes de guerre électronique, des armes à énergie dirigée et des missiles antisatellites destinés à perturber, endommager et détruire les satellites ciblés."

La Russie : de claires visées expansionnistes

La CIA insiste sur la "confiance croissante de la Russie dans sa supériorité sur le champ de bataille et dans sa base industrielle de défense" et sur le "risque accru de guerre nucléaire", qui rendent urgents et compliqués "les efforts américains visant à mettre fin à la guerre de manière acceptable". Et d’ajouter : "Vladimir Poutine semble résolu et prêt à payer un prix très élevé pour gagner ce qu’il considère être un moment décisif dans la compétition stratégique de la Russie avec les Etats-Unis, dans l’histoire du monde et dans son héritage personnel."

Des ambitions dans l’arctique

"La Russie contrôle environ la moitié du littoral arctique et considère la région comme essentielle à son bien-être économique et à sa sécurité nationale. Moscou souhaite développer davantage ses réserves de pétrole et de gaz dans l’Arctique et tirer profit de l’augmentation attendue du commerce maritime. La Russie s’inquiète de la concurrence économique et militaire croissante avec les pays occidentaux dans la région, qui s’est aggravée l’année dernière lorsque l’Otan s’est élargie pour inclure les deux derniers Etats de l’Arctique auparavant non alignés, la Finlande et la Suède.

[…] La Russie recherche un partenariat plus étroit avec la Chine dans l’Arctique […]. [De son côté], la Chine profite de sa coopération accrue avec la Russie pour renforcer sa présence dans l’Arctique et y légitimer son influence.

L’intérêt de la Russie pour le Groenland tient principalement à sa proximité avec des routes navales stratégiques entre l’océan Arctique et l’océan Atlantique – y compris pour les sous-marins nucléaires – et au fait que le Groenland abrite une base militaire américaine importante."

Une sophistication de la désinformation

"Moscou utilise des activités d’influence pour contrer les menaces, notamment en attisant la discorde politique en Occident, en semant le doute dans les processus démocratiques et dans le leadership mondial des Etats-Unis, en dégradant le soutien de l’Occident à l’Ukraine et en amplifiant les discours russes. Les activités d’influence malveillante de Moscou se poursuivront dans un avenir prévisible et gagneront très certainement en sophistication et en volume".

Le recours possible aux armes chimiques

"La menace que représente la Russie en matière d’armes chimiques et biologiques s’accroît. Les instituts scientifiques russes poursuivent leurs recherches et développent des capacités en matière d’armes chimiques et biologiques.

[…] Les forces russes continuent très certainement à utiliser des produits chimiques contre les forces ukrainiennes, des centaines d’attaques ayant été signalées depuis la fin de l’année 2022".

Un renforcement des armes antisatellites

"La Russie entraîne encore ses éléments militaires spatiaux et met au point de nouvelles armes antisatellites pour perturber et dégrader les capacités spatiales des Etats-Unis et de leurs alliés. Elle développe son arsenal de systèmes de brouillage, d’armes à énergie dirigée, de capacités de contre-espace en orbite et de missiles antisatellites conçus pour cibler les satellites américains et alliés.

La Russie utilise la guerre électronique pour contrer les moyens occidentaux en orbite et continue de développer des missiles antisatellites capables de détruire des cibles spatiales en orbite basse".

Le risque d’une guerre nucléaire dans l’espace

"La Russie développe un nouveau satellite destiné à transporter une arme nucléaire en guise de capacité anti­ satellite. Une explosion nucléaire dans l’espace pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour les Etats-Unis, l’économie internationale et le monde en général. Elle porterait atteinte à la sécurité nationale, aux satellites commerciaux et à l’infrastructure de tous les pays, et compromettrait l’utilisation de l’espace par les Etats-Unis en tant que moteur du développement économique."

L'Iran : encore un fort pouvoir de nuisance

Même si Téhéran continuera d’essayer de renforcer son influence régionale, "les tensions avec Israël mettent sérieusement à l’épreuve les ambitions et les capacités de l’Iran", résument les services américains. Cependant, et bien que la chute du régime d’Assad en Syrie, un allié clé de Téhéran, soit un "coup dur", ses mandataires de "l’Axe de la résistance" représentent toujours "un large éventail de menaces".

Des capacités militaires qui restent dangereuses
"Les capacités conventionnelles et non conventionnelles de l’Iran constitueront une menace pour les forces américaines et leurs partenaires dans la région, malgré la dégradation de ses mandataires et de ses défenses aériennes au cours du conflit de Gaza. Les importantes forces conventionnelles de l’Iran sont capables d’infliger des dommages substantiels à un attaquant, en exécutant des frappes régionales, et en perturbant le transport maritime, en particulier l’approvisionnement en énergie, par le détroit d’Ormuz.

Des partenaires affaiblis mais actifs
Même sous une forme dégradée, le Hamas continue de représenter une menace pour la sécurité d’Israël. Le groupe conserve des milliers de combattants et une grande partie de son infrastructure souterraine, et a probablement utilisé le cessez-le-feu pour renforcer et réapprovisionner ses stocks militaires et de munitions afin de pouvoir reprendre le combat. Le Hamas est capable de reprendre une résistance de guérilla de faible niveau et de rester l’action politique dominante à Gaza dans un avenir prévisible. Les faibles attentes de toutes les parties quant à la durabilité du cessez-le-feu et l’absence d’un plan politique et de reconstruction crédible après les combats laissent présager des années d’instabilité.

Bien qu’affaibli, le Hezbollah conserve la capacité de prendre pour cible des personnes et des intérêts américains dans la région, dans le monde entier et, dans une moindre mesure, aux Etats-Unis.

La bombe nucléaire toujours sur pause
Nous continuons d’estimer que l’Iran ne fabrique pas d’armes nucléaires et que [le guide suprême Ali] Khamenei n’a pas réautorisé le programme nucléaire militaire qu’il avait suspendu en 2003, bien que des pressions se soient probablement exercées sur lui pour qu’il le fasse. Au cours de l’année écoulée, on a assisté à l’érosion d’un tabou vieux de plusieurs décennies sur la discussion des armes nucléaires en public, ce qui a enhardi les partisans de l’armement nucléaire au sein de l’appareil décisionnel iranien.

Khamenei reste le décideur final du programme nucléaire iranien, y compris de toute décision de développer des armes nucléaires. L’Iran a très probablement l’intention de poursuivre la recherche et le développement d’agents chimiques et biologiques à des fins offensives."

La Corée du Nord : un dictateur de moins en moins isolé

Depuis la dernière rencontre, très médiatisée, en 2019, entre Donald Trump et Kim Jong-un, Washington et Pyongyang ne se parlent plus. Mais pendant ce temps-là, le dictateur nord-coréen s’est rapproché de Moscou et il est désormais plus dangereux que jamais."Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un continuera à se doter de capacités militaires stratégiques et conventionnelles qui ciblent les Etats-Unis, menacent les forces armées et les citoyens américains et alliés, et permettent à Kim de saper la puissance américaine et de remodeler l’environnement de sécurité régional en sa faveur", souligne le rapport.

Une coopération avec Moscou inquiétante
Le partenariat stratégique récemment cimenté entre Kim et la Russie se traduit par des avantages financiers, un soutien diplomatique et une coopération en matière de défense. Le partenariat avec Moscou contribue également à réduire la dépendance de Pyongyang à l’égard de Pékin. Le développement des capacités de la Corée du Nord en matière d’armes stratégiques et l’accès accru aux revenus permettent à Kim d’atteindre ses objectifs de longue date, à savoir obtenir l’acceptation internationale en tant que puissance nucléaire, réduire la présence militaire américaine dans la péninsule coréenne, et bloquer l’influence étrangère.

Le renforcement de l’arsenal nucléaire
Kim reste déterminé à augmenter le nombre d’ogives nucléaires de la Corée du Nord et à améliorer ses capacités en matière de missiles afin de menacer les Etats-Unis et leurs alliés et d’affaiblir la puissance américaine dans la région Asie-Pacifique, comme en témoignent le rythme des essais en vol de missiles du Nord et les déclarations publiques du régime sur ses capacités d’enrichissement de l’uranium. La Corée du Nord est probablement prête à procéder à un essai nucléaire et continue de tester en vol des missiles balistiques intercontinentaux afin que Kim puisse menacer la patrie [les Etats-Unis].

L’armée nord-coréenne représente une menace mortelle pour les forces et les citoyens américains en Corée du Sud et dans la région. […]

Kim continuera à donner la priorité aux efforts visant à construire une force de missiles plus performante (des missiles de croisière aux missiles balistiques intercontinentaux et aux engins hypersoniques) conçue pour échapper aux défenses antimissiles américaines et régionales […]

L’expérience de la guerre en Ukraine
Pyongyang est en mesure d’obtenir une expertise technique pour ses développements d’armes en échange de ses ventes de munitions à Moscou, ce qui pourrait accélérer les efforts d’essai et de déploiement de la Corée du Nord. L’expérience de la guerre entre la Russie et l’Ukraine pourrait également aider Pyongyang à renforcer son entraînement et à devenir plus compétent sur le plan tactique.

La Corée du Nord finance son développement militaire – ce qui lui permet de poser de plus grands risques aux Etats-Unis – et ses initiatives économiques en volant des centaines de millions de dollars par an en cryptomonnaie aux Etats-Unis et à d’autres victimes. A l’avenir, le Nord pourrait également étendre son cyberespionnage en cours pour combler les lacunes des programmes d’armement du régime, en ciblant potentiellement les entreprises de la base industrielle de défense impliquées dans l’aérospatiale, les sous-marins ou les technologies de glissement hypersonique."

Acteurs non étatiques

"Les criminels transnationaux, les terroristes et d’autres acteurs non étatiques menacent et affectent la vie des citoyens américains, la sécurité et la prospérité de la patrie, ainsi que la puissance des Etats-Unis à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Certaines organisations criminelles transnationales produisent et trafiquent de grandes quantités de drogues illicites qui mettent en péril la vie et les moyens de subsistance des Américains. Leurs autres activités illégales, telles que la traite des êtres humains, les cyber-opérations, le blanchiment d’argent et l’incitation à la violence, mettent en péril la sécurité des Etats-Unis.

Les menaces terroristes sont également plus diverses, plus complexes et plus décentralisées. Des acteurs, allant d’orga­nisations terroristes étrangères désignées – dont l’Etat islamique d’Irak et d’Al-Cham (ISIS), Al-Qaïda, d’autres groupes terroristes islamistes et certains cartels de la drogue – à des terroristes agissant seuls ou dans de petites cellules, sont susceptibles de poursuivre, de permettre ou d’inspirer des attaques. Enfin, l’immigration clandestine à grande échelle fragilise les infrastructures et les ressources locales et nationales et permet à des terroristes connus ou ­ présumés d’entrer aux Etats-Unis".

Des cartels de drogues tout puissants

La crise du fentanyl, qui provoque d’innombrables overdoses, est un problème majeur aux Etats-Unis. Il a toutefois été politisé par Donald Trump pour dramatiser la question de l’immigration illégale (à laquelle il l’associe) et justifier l’instauration de droits de douane sur les produits de pays voisins, comme le Canada et le Mexique.

"Les organisations criminelles transnationales basées dans l’hémisphère occidental et les terroristes impliqués dans la production et le trafic de drogues illicites à destination des Etats-Unis mettent en danger la santé et la sécurité de millions d’Américains et contribuent à l’instabilité régionale. Le fentanyl et d’autres opioïdes synthétiques restent les drogues les plus meurtrières introduites aux Etats-Unis, causant plus de 52 000 décès américains au cours d’une période de 12 mois se terminant en octobre 2024. [Toutefois], selon les données provisoires du Centre de contrôle et prévention des maladies, ces chiffres représentent une diminution de près de 33 % des décès par overdose liés aux opioïdes synthétiques par rapport à la même période de l’année précédente. […]

Depuis au moins 2020, la croissance des producteurs indépendants de fentanyl basés au Mexique (des acteurs autonomes ou semi-autonomes par rapport au contrôle des cartels mexicains) fragmente de plus en plus le commerce de cette substance au Mexique. Les producteurs indépendants de fentanyl sont attirés par la rentabilité de la drogue et les faibles barrières à l’entrée sur le marché, notamment grâce à la facilité de la synthétiser en utilisant des équipements de laboratoire de base et peu de personnel.

Les organisations criminelles transnationales et les groupes armés illégaux basés en Colombie sont responsables de la production et de l’exportation de la grande majorité de la cocaïne arrivant aux Etats-Unis, dont une partie transite par l’Equateur. Ces dynamiques contribuent à une recrudescence des conflits criminels violents qui, à leur tour, stimulent les migrations régionales.

Au Mexique, les organisations criminelles transnationales multiplient les attaques meurtrières contre leurs rivaux et les forces de sécurité mexicaines à l’aide d’engins explosifs improvisés, notamment des mines terrestres, des mortiers et des grenades. En 2024, près de 1 600 attaques ont été menées contre les forces de sécurité mexicaines à l’aide d’engins explosifs improvisés, alors que seulement trois attaques avaient été signalées entre 2020 et 2021.

La sophistication des tactiques des organisations criminelles transnationales remodèle le paysage sécuritaire mexicain et accroît les risques pour les forces de sécurité.

La Chine reste le principal pays d’origine des produits chimiques précurseurs du fentanyl et du matériel de pressage de pilules, suivie par l’Inde. Les courtiers en produits chimiques basés au Mexique contournent les contrôles internationaux en étiquetant mal les envois et en achetant des produits chimiques à double usage non réglementés".

Des groupes terroristes toujours actifs

Le meurtre de deux membres de l’ambassade israélienne à Washington, ce jeudi, prouve que la menace terroriste existe toujours, qu’il s’agisse d’actes isolés ou commandités. La CIA alerte sur les intentions malveillantes de Daech et Al-Qaeda, qui planifient toujours des actes terroristes. Et rappelle qu’il est de plus en plus simple pour ces groupes de recruter des personnes sur Internet pour exécuter des actes violents.

Daech en embuscade

"Les branches les plus agressives d’Isis [NDLR : groupe Etat Islamique], dont Isis-Khorasan [Asie centrale et du Sud], continueront de chercher à attaquer l’Occident, y compris les Etats-Unis, en diffusant de la propagande en ligne afin de diriger, permettre ou inspirer des attaques, ou en exploitant les itinéraires de voyage à haute vulnérabilité. Isis a subi d’importants revers et n’est pas en mesure de tenir le terrain en Irak et en Syrie […]. Néanmoins, Isis reste la plus grande organisation terroriste islamique au monde, et cherche à prendre de l’élan grâce à des attaques très médiatisées. Elle continue de s’appuyer sur ses branches les plus expérimentées et ses dirigeants dispersés dans le monde entier pour résister à son affaiblissement.

L’auteur de l’attentat du jour de l’an à La Nouvelle-Orléans était influencé par la propagande d’ISIS. D’autre part, un ressortissant afghan a été arrêté en octobre pour avoir planifié un attentat le jour des élections au nom d’ISIS. Ces événements mettent en évidence la capacité d’ISIS à s’infiltrer dans la patrie pour inspirer et permettre des attaques.

ISIS-K en Asie du Sud est la branche du groupe la plus capable de mener des attaques terroristes extérieures et en conserve l’intention. Les attentats de masse perpétrés par ISIS-K en Russie et en Iran en 2024, ainsi que les arrestations de sympathisants d’ISIS-K en Europe et aux Etats-Unis, mettent en évidence l’expansion des capacités du groupe au-delà de l’Asie du Sud et sa capacité à inspirer des individus à mener des attaques à l’étranger.

ISIS cherchera à profiter de la fin du régime d’Assad en Syrie pour reconstituer ses capacités d’attaque, mener des complots à l’étranger, et pour libérer des prisonniers afin de reconstituer ses rangs.

En 2024, le porte-parole d’ISIS a publiquement salué l’expansion du groupe en Afrique, soulignant l’importance croissante du continent. La taille d’ISIS-Somalie a doublé au cours de l’année écoulée, ISIS-Afrique de l’Ouest reste la branche la plus importante et arrive en tête pour le nombre d’attaques revendiquées, et ISIS-Sahel s’étend sur les côtes de l’Afrique de l’Ouest".

Al-Qaeda à l’offensive

"Al-Qaeda maintient son intention de cibler les Etats-Unis et les citoyens américains à travers ses filiales mondiales. Ses dirigeants, dont certains sont restés en Iran, ont tenté d’exploiter le sentiment anti-israélien suscité par la guerre à Gaza pour unir les musulmans et encourager les attaques contre Israël et les Etats-Unis. L’appareil médiatique d’Al-Qaeda a publié des déclarations de dirigeants et d’affiliés du groupe soutenant le Hamas et encourageant les attaques contre des cibles israéliennes et américaines."

Al-Qaeda dans la péninsule Arabique (AQAP) a relancé son guide Inspire avec des vidéos et des tweets qui encouragent les attaques contre des cibles juives, les Etats-Unis et l’Europe. Le magazine en ligne fournit des instructions pour fabriquer des bombes et placer des engins explosifs sur des avions de ligne civils et donne des justifications religieuses, idéologiques, historiques et morales à ces attaques. En plus d’essayer d’inspirer des attaques dans le monde entier et aux Etats-Unis, l’AQAP a l’intention de mener des opérations dans la région et au-delà.

Al-Shabaab – l’affilié le plus important et le plus riche d’Al-Qaeda – continue de se concentrer sur les attaques en Somalie qui favorisent ses objectifs régionaux. Il finance les efforts d’Al-Qaïda en dehors de la Somalie et ses relations naissantes avec les Houthis pourraient donner accès à une nouvelle source d’armes plus sophistiquées, ce qui augmenterait la menace pour les intérêts américains dans la région.

En Afrique de l’Ouest, Al-Qaeda étend son contrôle territorial en s’infiltrant auprès des civils par la fourniture de services et l’intimidation. Il menace les centres urbains du Burkina Faso et du Mali, des villes où se trouve le personnel américain.

L’affilié d’Al-Qaeda en Syrie, Hurras al-Din, exploite probablement la fin du régime Assad en Syrie pour renforcer sa position. Bien qu’il ait annoncé publiquement que la dissolution du groupe avait été ordonnée par les hauts dirigeants d’Al-Qaeda en Iran, les membres de Hurras al-Din ont été invités à ne pas désarmer et à se préparer à un futur conflit, en soulignant qu’ils continuaient à lutter contre les juifs et leurs partisans".

Les cybercriminels se sophistiquent

"Les criminels transnationaux motivés par le profit utilisent la corruption, l’intimidation et les nouvelles technologies pour ouvrir de nouveaux marchés et diversifier leurs sources de revenus, ce qui accroît leur résilience face aux efforts déployés par les autorités américaines et internationales en matière d’application de la loi et de réglementation financière. Les organisations criminelles transnationales escroquent les citoyens, les entreprises et les programmes gouvernementaux américains, tout en blanchissant des milliards de dollars de produits illicites par l’intermédiaire d’institutions financières américaines et internationales.

Ces organisations externalisent parfois les opérations de blanchiment d’argent et les investissements à des individus ayant une expertise juridique et bancaire afin de contourner les réglementations financières. […]

Des cybercriminels aux motivations financières continuent de s’attaquer à des cibles américaines mal défendues, telles que les systèmes de santé et les administrations municipales, ce qui pourrait avoir un impact important sur l’économie des États-Unis et sa population. D’autres ont mené des attaques contre des infrastructures critiques, perturbant les réseaux d’entreprises de services publics ou manipulant des systèmes de contrôle mal sécurisés.

À la mi-2024, des acteurs du secteur des rançongiciels ont attaqué le plus grand processeur de paiement pour les transactions de soins de santé aux États-Unis, entravant les prescriptions et causant des retards prolongés dans l’accès aux dossiers médicaux électroniques, aux communications avec les patients et aux systèmes de commande de médicaments, et forçant certaines ambulances à détourner les patients vers d’autres hôpitaux.

Les infrastructures hydrauliques américaines sont devenues une cible plus fréquente. En octobre 2024, des acteurs criminels ont mené des cyberattaques contre des services publics de distribution d’eau aux Etats-Unis. Ces attaques étaient peut-être inspirées par celles menées par des hacktivistes russes et des cyberacteurs iraniens en 2023 contre les infrastructures de distribution d’eau, qui ont eu peu d’effets mais ont fait l’objet d’une grande publicité".

Les trafiquants d’êtres humains prospèrent

"Les trafiquants d’êtres humains, basés à l’étranger ou aux Etats-Unis, exploitent des individus et des groupes vulnérables en leur promettant des emplois bien rémunérés, en confisquant leurs documents d’identité et en contraignant les victimes à adopter des comportements risqués et à travailler dans des conditions inhumaines. Les organisations criminelles transnationales qui utilisent la traite d’êtres humains peuvent également se livrer à d’autres activités criminelles menaçant les Etats-Unis, notamment des escroqueries, le trafic de stupéfiants et d’armes.

Les acteurs criminels, y compris les organisations transnationales basées au Mexique, exploitent les migrants qui transitent par l’hémisphère occidental pour se rendre aux Etats-Unis en les kidnappant pour obtenir une rançon et en les soumettant au travail forcé ou à la traite sexuelle. Une fois arrivées aux Etats-Unis, certaines victimes sont obligées de rembourser les frais de passage en fraude par la servitude pour dettes. Ces migrants et migrantes sont généralement contraints de devenir des domestiques, de travailler dans les secteurs de la pêche, de l’agriculture et de la transformation de la viande pour des salaires dérisoires, ou de travailler dans des plantations illégales de marijuana".

Le Monde à venir vu par la CIA. Analyses, faits et chiffres, par le National Intelligence Council. Ed. des Equateurs, 288 p., 20 €. En librairie le 28 mars.