CHRONIQUE - L’appel d’Emmanuel Macron au boycott international de la livraison d’armes à Israël pour Gaza donne l’impression que le président veut priver l’État juif des moyens de se défendre face aux agressions patentes dont il est l’objet depuis un an.
Le Figarpo
À la veille du jour où Israël s’apprêtait à célébrer, dans la tristesse et le recueillement, le premier anniversaire du pire pogrom que les Juifs aient connu depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, Emmanuel Macron jugea utile, sur les ondes de la radio France Inter, d’appeler à un boycott international de la livraison d’armes à Israël pour Gaza. Le moment pour une telle déclaration était, pour le moins, très mal choisi. Mais son contenu nous laisse aussi perplexe. Elle donne l’impression que le président de la République française veut priver l’État juif des moyens de se défendre face aux agressions patentes dont il est l’objet depuis un an. Pire, elle donne l’impression que la France se trompe d’adversaire au Proche-Orient.
Il y a des faits historiques à rappeler. Ce n'est pas Israël qui, le 7 octobre 2023, a attaqué la bande de Gaza; c'est le Hamas qui est allé commettre un horrible massacre, avec son cortège d'actes sadiques, contre les plus pacifiques des kibboutz israéliens. N'épargnant ni les femmes, ni les vieillards, ni les enfants, ce raid avait un caractère génocidaire, où le Juif était tué comme Juif. Rappelons que ce massacre n'a pas visé des bases militaires ou quelque colonie illégale de sionistes religieux fanatiques, mais bien de paisibles civils habitant le territoire internationalement reconnu d'Israël. Par sa violence barbare, le rezzou du Hamas a démontré que l'État hébreu ne pouvait pas se permettre de perdre une guerre, sans quoi l'entièreté de sa population risquait de passer par le fil de l'épée.
Deuxième fait historique à rappeler, ce n'est pas Israël qui, le 8 octobre 2023, s'est mis à agresser le Sud Liban. C'est le Hezbollah qui a pris la décision de bombarder la Galilée israélienne, sans daigner consulter le gouvernement libanais. Pour la milice chiite libanaise, affiliée à la théocratie iranienne, il s'agissait de montrer sa solidarité avec le Hamas palestinien. Les deux mouvements islamistes appartiennent au même axe de la Résistance dirigé contre Israël depuis Téhéran. Personne n'obligeait le Hezbollah libanais chiite à se montrer solidaire du Hamas palestinien sunnite. Personne ne l'a forcé à agresser la Galilée et à faire fuir les 60000 Israéliens habitant les villages et kibboutz proches de la frontière libanaise. Est-il dangereux pour un agresseur de s'en prendre militairement à l'État d'Israël? Il semblerait que oui.
Pourtant, à maintes reprises, Israël a averti les miliciens du Hezbollah qu'ils devaient cesser leur campagne de harcèlement. Maintes fois, il a officiellement demandé aux grandes puissances de faire appliquer la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l'ONU, laquelle exige un repli des forces du Hezbollah au-delà du fleuve Litani. Il semble que feu Hassan Nasrallah ait commis l'erreur mortelle de sous-estimer la combativité d'Israël.
La déclaration macronienne du 5 octobre 2024 donne la fâcheuse impression qu'Israël serait au Proche-Orient un adversaire de la France. Faut-il rappeler que ce ne sont pas les Israéliens qui ont assassiné, à Beyrouth, en octobre 1983, 58 parachutistes français venus au Liban dans une mission de maintien de la paix, mais bien le Hezbollah? Que ce ne sont pas les Israéliens qui ont répandu à travers le monde l'intolérance islamique, mais bien les Frères musulmans arabes, mouvement auquel est affilié le Hamas?
Au Proche-Orient, les adversaires de la France, de ses idées, de ses Lumières, ce ne sont pas les Israéliens, mais bien les mouvements islamistes, qu'ils soient sunnites ou chiites. Créé par les Français en 1920, le Liban était un beau et prospère petit pays jusqu'à ce que les milices palestiniennes, agissant comme en pays conquis, le plongent dans la guerre civile à partir d'avril 1975.
Pour faciliter le retour à la paix civile, toutes les milices libanaises, qu'elles fussent chrétiennes, druzes ou sunnites, ont rendu leurs armes à l'État libanais en 1990. Seul le Hezbollah chiite a prétendu conserver les siennes. En 2006, sans consulter aucune autorité libanaise, il a pénétré en Galilée sur le territoire internationalement reconnu d'Israël, tuant huit de ses soldats. Il a provoqué 33 jours de violentes représailles de Tsahal, qui affectèrent profondément l'ensemble du Liban. En mai 2008, après s'être brièvement emparé du quartier de Hamra, le centre sunnite de Beyrouth, le Hezbollah était parvenu, par l'intimidation, à se faire donner un pouvoir de veto sur toutes les décisions du gouvernement libanais. En août 2020, une explosion colossale dans le port de Beyrouth provoqua 235 morts, 77000 bâtiments endommagés et 300000 per- sonnes sans abri dans la capitale libanaise. Le responsable était le Hezbollah, qui y avait, mal et illégalement, entreposé des dizaines de tonnes de matières explosives.
Le Hezbollah et le Hamas sont des mouvements violents et antidémocratiques, qui ne reconnaissent même pas le droit à l'existence d'Israël. Le premier a pris le Liban en otage, et le second la bande de Gaza. En 2005, Ariel Sharon décida de retirer les soldats et les colons israéliens de Gaza. Rien n'empêchait ce joli territoire de bord de mer de devenir un petit Singapour du Moyen-Orient. Mais les islamistes du Hamas y ont pris le pouvoir par la force et en ont décidé autrement.
Est-ce à dire que la France saurait tout passer à Israël? Bien sûr que non! Charles de Gaulle l'avait bien vu: les Territoires palestiniens occupés par l'État hébreu après sa victoire de 1967 agissent comme un poison sur la société israélienne. En 1993, Netanyahou aurait dû accompagner et non s'opposer aux efforts de Rabin pour créer progressivement un État palestinien en dépit des actes terroristes du Hamas. L'actuel premier ministre ne veut pas d'État palestinien, mais il ne nous dit pas comment il voit le futur des sept millions d'Arabes vivant actuellement dans la Palestine mandataire sous contrôle de Tsahal.
Macron a donc raison de s'impliquer dans le dossier. La diplomatie consistant à parler à TOUS les acteurs d'un conflit, le président français a également raison de parler au président iranien. Ce n'est pas en isolant les Perses qu'on parviendra à les assagir. Le sujet diplomatique le plus pressant est aujourd'hui celui du Liban. Depuis son arrivée aux affaires en 2017, Macron s'est beaucoup engagé pour ce pays. Sa voix y est entendue; la France est considérée internationalement comme légitime au Liban. Au moment où il aurait pu être le plus utile pour la paix, le président français se brouille inutilement avec Israël, laissant seule à l'œuvre la diplomatie américaine. Le diplomate Macron s'est tiré une balle dans le pied, et c'est très dommage pour la région. En diplomatie, il faut parfois savoir se taire et ravaler son ego. Ne serait-ce que pour faire avancer sur le terrain les bonnes idées qu'on peut souvent avoir.