«Si Israël voulait les déterrer, on s'engagerait alors dans une guerre longue» : affaibli, le Hezbollah dispose encore de missiles pour une guerre d’usure

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«Si Israël voulait les déterrer, on s'engagerait alors dans une guerre longue» : affaibli, le Hezbollah dispose encore de missiles pour une guerre d’usure
الأربعاء 25 سبتمبر, 2024

Par Georges Malbrunot, Le Figaro

DÉCRYPTAGE - Le recours à ces vecteurs de plus longue portée, cachés dans les montagnes, ouvrirait une nouvelle phase du conflit.

Sous la contrainte de la force, le Hezbollah finira-t-il par accepter les nouveaux arrangements de sécurité que Benyamin Netanyahou cherche à lui imposer le long de la frontière libano-israélienne ?

Si l’infiltration de son réseau de télécommunications et la décapitation de son unité d’élite lui ont porté, la semaine dernière, un « coup sans précédent » comme l’a reconnu son chef, Hassan Nasrallah, la milice chiite pro-Iran garde une capacité d’action considérable avec notamment des missiles non encore utilisés, cachés dans les montagnes, loin de son bastion du sud du Liban.

Vendredi, une dizaine de cadres de la force al-Radwan ont été liquidés lors du bombardement ciblé du sous-sol où ils étaient en réunion. Parmi les tués figurait Ibrahim Aqil, son chef. Détail important : ce combattant expérimenté avait été, comme la plupart de ses camarades tués, blessé trois jours avant lors des explosions simultanées de leurs bipeurs. Transporté à l’hôpital, il en était sorti quelques heures avant d’être visé par l’État hébreu. Si lui avait un bipeur, les autres cadres de la force al-Radwan, blessés aux mains ou aux yeux, en détenaient un également et sont probablement hors d’état de combattre. Or Israël a annoncé plus de 2000 blessés dans ces explosions. Deux mille sur 15000 hommes,ce n'est pas rien.

Au-delà, le profil de certaines victimes en dit long sur la difficulté qu’avait le Hezbollah à assurer, jusque-là, la relève de ses cadres. Parmi les tués, il y avait Ahmed Wahbi, le chef de la force al-Radwan, jusqu'en janvier. À cette date, Israël liquida le responsable de la formation au sein d’al-Radwan, Wissam Tawil. «Le Hezbollah n’avait personne pour le remplacer et demanda donc à Wahbi de quitter la direction de son unité d’élite pour s’occuper de la formation», souligne un fin connaisseur du Hezbollah à Beyrouth.

Pour la chercheuse Amal Saad, maîtresse de conférences à l’université de Cardiff, si les attaques aux bipeurs ont porté «un gros coup au moral» des membres du Hezbollah, celui-ci parviendra toutefois à «remplacer ses têtes, parce que sa structure combattante est décentralisée sur le territoire libanais», contrairement à sa direction politique, regroupée à Beyrouth autour de Cheikh Nasrallah et d’Iraniens que très peu de personnes voient.

Autoroutes souterraines
Au-delà, si Israël a réussi à infiltrer à ce point son ennemi, c’est parce que la corruption ronge le Hezbollah, estime Amal Saad. «Ce mal s’est renforcé depuis l’effondrement de l’économie libanaise en 2019. Israël en aprobablement profité pour recruter certains agents, en difficulté financière»,ajoute-t-elle.

«Chez nous, tout est en “fresh money”», confiait en 2021 au Figaro Mohammed Raad, le chef du bloc parlementaire Hezbollah, qui avait rencontré quelques mois auparavant Emmanuel Macron au Liban. «Fresh money» signifie que toutes les transactions au sein du mouvement se font en liquide, souvent via des valises. La tentation peut être grande de puiser dans les caisses.

À demi-mot , une autre source au sein du Hezbollah le reconnaît : «Trop d’argent à circulé, ça a changé les rapports entre nous.» D’autant que, en parallèle, le « Parti de Dieu » est devenu quasi pléthorique, avec plus de 100000 membres, politiques, administratifs et militaires compris. «La taille aussi est propice aux infiltrations, constate l’expert. Vous ne contrôlez pas 100000 hommes comme vous en contrôlez 10000.» Le rétablissement d’un système de renseignements interne figure parmi ses priorités.

Quarante-deux ans après sa fondation par une équipe des gardiens de la révolution iranienne, le Hezbollah est aujourd’hui une puissance régionale, intervenant en Syrie, en Irak et au Yémen. Mais sa croissance pourrait lui avoir coûté cher. «Leur point faible en Syrie, c’était l’utilisation massive des téléphones portables par ses milliers d’hommes dispersés sur plusieurs points du territoire, analyse Amal Saad. Israël fut non seulement capable d’écouter mais aussi de capter leurs empreintes vocales et de les garder même s’ils changeaient de téléphone.»

Après les centaines de frappes israéliennes de lundi, le Hezbollah peut continuer une guérilla contre Israël à partir du sud du Liban, mais il n’a probablement plus la capacité de tenir la ligne de front, le long de la frontière avec l’État hébreu. «Peu importe, estime l’expert. L’étape à venir, ce sont les missiles à plus longue portée capables d’atteindre Israël en profondeur que le Hezbollah cache hors du Sud-Liban», dans les montagnes de la plaine de la Bekaa. Mardi, pour la première fois, le Hezbollah a fait usage de roquettes Fadi 3, de plus longue portée que les Fadi 1 et 2 utilisées les jours précédents, pour frapper une base militaire israélienne proche deHaïfa.

La milice les a montrés sans les utiliser dans une vidéo diffusée il y a quelques mois où l’on voyait des missiles sur des camions circulant dans des sortes d’autoroutes souterraines. «Si Israël les déterrait, on s’engagerait alors dans une guerre longue», prévient le spécialiste. À ce moment-là, ajoute-t-il, «le Hezbollah aurait besoin de bras, il se tournerait vers ses alliés irakiens ou yéménites»