ÉDITO. Les conflits qui s’étendent dans l’environnement géopolitique de l’Europe profitent aux puissances révisionnistes, espérant ainsi accélérer le déclin occidental.
Par Luc de Barochez - Le Point
La rave party qui s'est achevée dans le drame le 7 octobre en Israël est une métaphore de nos sociétés occidentales. Insouciants du danger, plus de 3000 jeunes Israéliens s'amusaient à 3 kilomètres à peine du baril de poudre islamiste que constituait la bande de Gaza. Près de 270 d'entre eux l'ont payé de leur vie. À l'image de la jeunesse postmoderne israélienne, c'est tout l'Occident qui, aujourd'hui, danse sur un volcan. Les brasiers des conflits armés s'étendent dans son environnement géopolitique, attisés et encouragés par les puissances révisionnistes que sont la Russie, l'Iran ou la Turquie, discrètement appuyées par la Chine. Rien ne devrait en principe réunir la dictature militaro-pétrolière de Vladimir Poutine, la theocratie chiite de Téhéran, le régime islamiste sunnite de Recep Tayyip Erdogan ou le Parti communiste chinois de Xi Jinping. Rien, si ce n'est leur hostilité commune à la liberté individuelle, à l'État de droit et à la démocratie libérale; leur rejet mutuel des valeurs libérale; leur rejet mutuel des valeurs en détournant l'attention de la guerre qu'il livre à l'Ukraine. Elle fait en outre le jeu de l'Iran, qui retrouve au Proche-Orient sa position centrale, que les accords d'Abraham menaçaient de saper.
Chaque agression impunie encourage d'autres agresseurs à passer à l'acte, chaque conflit mine un peu plus la sécurité de l'Europe et du monde, dans un cercle vicieux dont on ne discerne pas la fin. Or, plus les périls s'accumulent, plus les Européens et les Américains louvoient et hésitent. Autant l'agression russe de février 2022 leur avait donné l'occasion de serrer les rangs, autant la guerre au Proche Orient a exposé leurs fractures. Revenus à leurs vieux démons, les Européens ont réagi de manière chaotique. Ils ont suspendu puis réaccordé leur aide aux Palestiniens; ils ont étalé leurs divisions à l'ONU; et Emmanuel Macron a ajouté à la confusion en avançant un projet mort né de coalition anti-Hamas.
A Washington, l'administration Biden a été plus résolue dans son soutien à Israël, mais au prix de son appui à l'Ukraine. Elle a été incapable de faire adopter par le le Congrès sa proposition d'une aide conjointe à Kiev et à Jérusalem, se heurtant aux républicains pro Trump et à leur politique «America First». Et, à un an de l'élection présidentielle, le Parti démocrate se divise comme jamais, entre ceux qui veulent préserver le soutien traditionnel à Israel et ceux, de plus en plus nombreux, qui privilégient désormais la cause palestinienne.
La lassitude des opinions occidentales face au coût de la solidarité s'accentue, alors même que les flammes des incendies gagnent du terrain. En Ukraine, la contre-offensive marque le pas. Au Caucase, l'Azerbaïdjan n'a pas renoncé à employer la force pour ouvrir un corridor à travers le territoire arménien souverain. Au Proche-Orient, le risque est grand d'une extension régionale des hostilités. En Afrique, l'Europe, représentée principalement par la France, a dû plier bagage en laissant le champ libre aux djihadistes. Au Maghreb, les tensions régionales attisent l'antagonismeentre Rabat et Alger. En Extrême-Orient, la Chine attend son heure pour avaler Taïwan.
Et tout cela, alors même que le gouvernail américain est tenu d'une main solide par Joe Biden, malgré son âge avancé. Qu'en serait-il si le trublion Donald Trump revenait s'installer à la Maison-Blanche en janvier 2025, comme les derniers sondages le laissent penser ? De la même manière qu'Israël se leurrait dramatiquement en faisant comme si le problème palestinien ne se posait pas, il serait illusoire de penser que les Européens pourraient maintenir leur mode de vie et continuer à jouir de la paix et de la prospérité dans un monde en feu.