Par Antoun Souhaid
Depuis l'attaque du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre dernier, les inquiétudes concernant l'élargissement du conflit dans la région ne cessent de croître, évoquant même la possibilité d'un embrasement généralisé. Malgré les efforts de la communauté internationale pour limiter la guerre au territoire de Gaza, le Hezbollah libanais, le proxy iranien, semble activement chercher à ouvrir un deuxième front et à impliquer de facto le Liban dans cette guerre.
Le Liban : la guerre de trop
La position ambivalente du Secrétaire général du Hezbollah place le Liban au bord d’une crise majeure. Celui-ci maintient une ambiguïté stratégique en écartant officiellement l’entrée en guerre du pays, tout en ouvrant un front à la frontière sud par le biais d’attaques contre Israël et en haussant le ton lors de ses discours télévisés, semant le doute parmi les Libanais.
Bien que le Liban traverse déjà une crise politique et économique profonde, les tensions actuelles suscitent l’inquiétude des citoyens qui ne veulent pas revivre les horreurs de la guerre de 2006. Cet affrontement entre le Hezbollah et Israël, qui a duré 33 jours, a entraîné la mort de centaines de civils libanais, la quasi-destruction des infrastructures et d'importants dégâts écologiques. Les Nations unies ont évalué l’impact financier de cette guerre sur le Liban à 15 milliards de dollars.
La situation dans le sud du Liban reste extrêmement précaire et le pays semble être au seuil d’une guerre totale. Bien que l’Iran n’ait pas encore formellement déclaré la guerre, il utilise ses proxys dans la région pour légitimer son discours anti-israélien au sein de la population arabe. Les récents incidents du 12 et du 17 novembre, visant des rassemblements de soldats israéliens et des sites stratégiques, ont intensifié les hostilités. Les tensions grandissent à la frontière israélo-libanaise ouvrant la voie à un second front, et le ministre de la Défense israélienne a averti que Beyrouth pourrait subir le même sort que Gaza en cas de guerre du Hezbollah contre Israël. La question cruciale qui se pose est la suivante : que cherche le Hezbollah à accomplir dans ce conflit ?
Les motivations du Hezbollah
Il s’avère que les attaques ne se limitent pas à un soutien à la cause palestinienne, mais plutôt un moyen de transmettre des messages aux Américains. Il semble que l’Iran souhaite exercer une pression sur Israël via son proxy libanais, incitant les États-Unis à intervenir pour mettre fin au conflit contre le Hamas. Ces actions pourraient également être interprétées comme des manœuvres de l'Iran pour améliorer ses conditions de négociation nucléaire avec les États-Unis.
Ce qui est certain c’est que l’Iran est sorti vainqueur dans cette guerre en contrecarrant la normalisation des relations entre l'Arabie saoudite et Israël. Cependant cela a été fait au dépend du sang palestinien, libanais et irakien.
Une série d'escalades mettant à risque les civils
Au lendemain de l’attaque en Israël, malgré les avertissements des Etats-Unis de ne pas participer à l’affrontement pendant le conflit à Gaza sous peine de destruction totale du pays, le Hezbollah n’a pas tardé a lancé plusieurs séries d’attaques impliquant des drones, des missiles et des obus d’artillerie contre l’armée israélienne dans la région nord d'Israël, près de la frontière libanaise.
Les affrontements entre le Hezbollah et Israël au Liban-Sud s'intensifient, entraînant une escalade des échanges de tirs violents. Les conséquences humaines sont de plus en plus lourdes, avec un bilan qui s’aggrave quotidiennement, comprenant près de 90 combattants du Hezbollah et des groupes palestiniens, six militaires israéliens et une dizaine de civils. De plus, plus de 26 000 Libanais ont été contraints de fuir leurs foyers dans le sud du Liban. La cueillette des olives, principale source de revenus pour les habitants de la région, a également été compromise, avec près de 40 000 oliviers dévastés par les incendies provoqués par les tirs israéliens, entraînant la destruction de plus de 460 hectares de terres agricoles et forestières.
Vers une résolution pacifique ?
Alors que les groupes palestiniens et Israël parviennent à un accord pour une trêve après 50 jours de guerre, plusieurs questions se posent : La trêve sera-t-elle respectée ? Pourra-t-elle se transformer en un cessez-le-feu et potentiellement en un accord de paix ? La guerre sera-t-elle transportée au Liban ? Quid des Libanais sur l’implication de leur pays dans cette guerre ?
Nombreuses sont les questions dont les réponses restent incertaines. Mais ce qui paraît semblable est que la question d’arrêter le conflit armé en Palestine et au Liban réside entre les mains de puissances internationales qui utilisent du sang coulé à des fins politiques.
Au Liban, les divisions quant à l'implication du Hezbollah dans le conflit reflètent l'incertitude quant à l'avenir du pays. Alors que le gouvernement libanais officiel proclame son attachement à la résolution 1701 (cette résolution des Nations unies a mis fin à la guerre du Liban en 2006 opposant Israël au Hezbollah, appelant au retrait des forces israéliennes, au désarmement de toutes les forces armées non étatiques au Liban, à la libération de la région située entre la frontière israélo-libanaise et le fleuve Litani, et au déploiement de l’armée libanaise et de la FINUL - force internmédiaire des Nations unies au Liban - sur ce territoire), il semble incapable de prendre des mesures concrètes en ces temps de crise politique.
Depuis la fin du mandat présidentiel du général Michel Aoun, le Liban plonge dans une double impasse paralysant ainsi le travail des institutions. Le Liban n’a toujours pas de Président de la République et le parlement se réunit occasionnellement sans parvenir à dégager de consensus. En l’absence d’un Président et d’institutions fortes capables de faire appliquer la loi à tous d’une manière équitable, c’est la loi du plus fort qui règne. La question de la paix et de la sécurité ne réside pas entre les mains de l’armée libanaise mais du Hezbollah, milice armée financée par un Etat étranger, l’Iran. Cette milice étant plus forte que l’armée libanaise, décide du sort du Liban et des libanais quant à l’implication du pays du Cèdre dans une guerre contre Israël.
Appel à l'action
Dans ce contexte de crise profonde, il est impératif que le gouvernement libanais prenne des mesures immédiates pour assurer la paix et la stabilité dans le sud du pays. En l’absence d’un Président de la République et d’un gel au niveau du Parlement, le Premier ministre, dont le gouvernement est démissionnaire depuis près d’un an, est appelé à passer de simples déclarations à des actions concrètes. Cela inclut la condamnation des groupes armés non étatiques entraînant le Liban dans le conflit, le renforcement du soutien à l'armée libanaise, qui paraît très affaiblie dans cette guerre, et la mise en œuvre intégrale de la résolution 1701 des Nations unies.
Il est crucial d'éviter une guerre à grande échelle qui mettrait en péril la vie de millions de Libanais et l'infrastructure du pays.
Le Liban se trouve au cœur d’une situation complexe, confronté à des acteurs régionaux cherchant à atteindre des objectifs divergents. Pour instaurer la paix et la stabilité dans le pays, la voie à suivre est claire : il est essentiel de mettre en œuvre intégralement la résolution 1701 et de mobiliser l'engagement de toutes les parties en faveur d’une solution politique. Le Liban aspire à la paix, et il est temps que des mesures concrètes soient prises pour mettre fin à cette guerre destructrice.