Par Georges Malbrunot, Le Figaro
Le Hamas serait prêt à ce qu’un gouvernement de technocrates dont il ne ferait pas partie prenne le pouvoir à Gaza.
Après de fortes pressions exercées par le Qatar et l’Égypte, «le Hamas a accepté l’idée d’un gouvernement de technocrates dont il ne ferait pas partie pour gérer la situation» après la guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien, confie au Figaro une source diplomatique au Caire, où se sont tenues la semaine dernière des négociations en vue d’une nouvelle trêve dans la bande de Gaza.
Si ces discussions n’ont pas permis de percée, en raison notamment des exigences du Hamas sur le nombre de libérations de détenus palestiniens qu’il réclame en échange de l’élargissement d’otages israéliens, les pourparlers ont donné lieu à « des échanges en profondeur sur les questions encore en suspens », en particulier sur l’étendue d’un premier retrait militaire de Tsahal – des zones urbaines notamment.
Alors que le patron de la CIA s’est rendu ensuite en Israël pour convaincre le premier ministre Benyamin Netanyahou de renvoyer des négocia teurs, qui sont attendus au Caire cette semaine, à Doha, au Qatar, un canal parallèle de discussions interpalestiniennes a enregistré quelques avancées sur l’après-Hamas à Gaza.
Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, y était arrivé le dimanche 11 février, mais aucune rencontre avec le chef du Hamas, Ismaël Haniyeh, n’a pu être organisée sous l’égide de l’émir du Qatar, Cheikh Tamim al-Thani. « Ce gouvernement de technocrates aurait en charge la Cisjordanie et la reconstruction de la bande de Gaza », précise la source diplomatique. Un nom a été avancé par Mahmoud Abbas pour le diriger : celui de l’économiste Mohammed Moustapha, à la tête du Fonds souverain palestinien. Ce gouvernement serait formé d’experts dont aucun ne serait affilié au Hamas, classé terroriste par les États-Unis et l’Union européenne, dont l’attaque a causé la mort de plus de 1 100 Israéliens, en majorité des civils, le 7 octobre. En riposte, l’État hébreu a lancé des opérations militaires qui ont tué plus de 28 000 personnes, en majorité des civils, à travers la bande de Gaza, dont les bâtiments ont été détruits à plus de 50 %, selon l’ONU.
Mais Yahya Sinwar, l’architecte de l’attaque du 7 octobre, qui se terre dans l’enclave palestinienne, exigerait encore que les différents partis politiques palestiniens aient leur mot à dire sur la composition de ce cabinet de technocrates et que celle-ci ne soit pas laissée au libre arbitre de Mahmoud Abbas.
Malgré cette dernière exigence, « l’acceptation d’un gouvernement de technocrates est une concession importante de la part du Hamas », estime la source diplomatique au Caire en contact avec toutes les parties. Est-ce la pression militaire exercée par l’armée israélienne qui avance à Rafah, où Sinwar se cacherait ? Benyamin Netanyahou, qui est depuis longtemps opposé à la création « unilatérale » d’un État palestinien, en est convaincu. Mais tout en cédant sur ce cabinet de technocrates, le Hamas exige, en parallèle à celui-ci, la formation d’une « direction palestinienne unifiée pour suivre cette phase de reconstruction », ajoute la source au Caire.
Une telle recomposition de la scène politique palestinienne pourrait se faire dans le cadre d’une OLP (Organisation de libération de la Palestine) que le Hamas intégrerait. Un vœu déjà exprimé à plusieurs reprises dans le passé par la formation islamiste, mais, une fois encore, Mahmoud Abbas aurait des réserves.
À Doha, selon le diplomate précité, « le chef de l’Autorité palestinienne a indiqué à ses hôtes qatariens qu’il n’avait pas envie de voir les partis politiques entrer dans la reconstruction de Gaza parce que, à ses yeux, dès qu’il y aura le Hamas ou des responsables qui en sont proches, aucun pays ne voudra financer cette reconstruction ». Mais, toujours selon cette source, « l’exigence de Mahmoud Abbas n’est pas très crédible. Il est contesté par d’autres dirigeants du Fatah (son parti), comme Jibril Rajoub, qui est allé s’entretenir, récemment, avec la direction du Hamas au Qatar ».
Un nouvel accord de trêve ainsi que l’architecture d’une future représentation palestinienne font partie d’un document intitulé « Arab Principles Paper », révélé par la chaîne de télévision Sky News Arabia et parrainé par l’Arabie saoudite, le plus puissant des pays arabes, que les États-Unis sollicitent pour avancer en vue d’une solution à l’aprèsguerre à Gaza. Ce texte est articulé autour de trois points : la fin du conflit et l’ouverture d’un « horizon politique » vers la solution dite des deux États, la mise en place d’un gouvernement de technocrates pour la reconstruction de Gaza, et enfin une réconciliation palestinienne sous les auspices d’une OLP élargie dans le cadre d’une « vision palestinienne et arabe unifiée ».