« Vladimir Poutine et Benyamin Nétanyahou comptent sur la victoire de leur poulain : Donald Trump »

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« Vladimir Poutine et Benyamin Nétanyahou comptent sur la victoire de leur poulain : Donald Trump »
الخميس 7 ديسمبر, 2023

C’est aussi à l’aune d’un retour de l’ex-président américain à la Maison Blanche en novembre 2024 qu’il faut suivre l’actualité internationale et ses évolutions, analyse Alain Frachon, éditorialiste au « Monde », dans sa chronique.

Alain Frachon - Editorialiste au « Monde »


Ils prient, composent des ex-voto et comptent sur les forces de l’esprit. Sans doute n’osent-ils encore y croire mais Vladimir Poutine et Benyamin Nétanyahou placent leurs espoirs dans une divine surprise. Mardi soir 5 novembre 2024, à l’issue du scrutin présidentiel américain, ils escomptent bien saluer la victoire de leur poulain : celle de Donald Trump. Le Russe et l’Israélien savent pour qui ils « votent ».

C’est aussi à l’aune de cette perspective – une administration Trump 2 – qu’il faut suivre l’actualité internationale et ses évolutions. La singularité des crises de l’époque, et une partie de leur charge dramatique, tient à ce possible futur : une politique étrangère américaine radicalement différente. Le retour de l’apprenti putschiste républicain à la Maison Blanche, s’il a lieu, pèsera sur les deux guerres aujourd’hui en cours. Le sort des combats entre Russes et Ukrainiens en sera affecté, de même que l’issue de la campagne qu’Israël mène contre le mouvement islamiste palestinien Hamas.

En la personne de Donald Trump, autocrate contrarié, le président russe a un ami. Volontiers jaloux, le golfeur de Floride a déjà dit toute l’admiration qu’il éprouve pour « le type de leadership » qu’incarne Poutine. A la tête d’une majorité de droite-ultradroite, le premier ministre israélien peut, lui aussi, parier sur Trump : celui-ci fut de 2016 à 2020 le président le plus antipalestinien qui ait jamais occupé la Maison Blanche.

Les mains libres pour annexer la Cisjordanie
La guerre de Gaza va durer un an et plus, selon des sources israéliennes citées par le Financial Times (1er décembre 2023). Joe Biden cherche à l’« encadrer ». Il entend fixer des limites à l’armée israélienne, comme le rappelle Michel Duclos dans sa dernière analyse de l’Institut Montaigne. Pas question que le sud du territoire subisse des bombardements comme ceux qui ont ravagé le nord et la ville de Gaza. Pas question, ont encore dit les Etats-Unis, que les Gazaouis soient chassés en Egypte ni qu’Israël ne réoccupe durablement la bande.

Passé une phase intérimaire, l’administration Biden évoque le scénario d’une Autorité palestinienne (le Fatah) restaurée et chargée de l’administration de la Cisjordanie et de Gaza. Ladite Autorité ne s’y prêtera qu’à la condition de la reprise d’une négociation devant aboutir – un jour ! – à la création d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël. Telle est, publiquement affichée, la position américaine. Et sur chacun de ces points, Joe Biden est en conflit frontal avec Benyamin Nétanyahou.

Le président américain joue une partie de sa crédibilité dans un monde arabe où il est vivement critiqué pour son soutien, jugé inconditionnel, aux bombardements israéliens sur Gaza. Mais c’est aussi une affaire de politique intérieure en période électorale aux Etats-Unis. Faible dans les sondages, essentiellement du fait de son âge, le candidat démocrate doit donner l’image d’un président fort à l’étranger. Un président capable de contraindre l’Etat hébreu ? De ramener les otages à la maison ?

En Israël, l’impopularité de Nétanyahou atteint des profondeurs abyssales – plus de 80 % d’insatisfaits. Tant que durent les combats, il est à l’abri d’une commission d’enquête sur ses responsabilités dans la tragédie du 7 octobre. Mais il peut sortir de la séquence en cours en « vainqueur du Hamas » et, une fois de plus, survivre à tous ceux qui, toujours, l’ont enterré trop tôt. Avec Donald Trump à la Maison Blanche, la majorité de droite et d’ultradroite au pouvoir en Israël aura les mains libres pour annexer la Cisjordanie. A tout le moins pour poursuivre la colonisation, « comme avant ».

A quelques semaines de l’ouverture des primaires aux Etats-Unis, Trump a toujours les faveurs d’une large majorité d’électeurs républicains. Une seule inconnue au tableau : quel sera l’impact sur ses fidèles d’une éventuelle condamnation dans l’une des poursuites criminelles dont il est l’objet ?

Le maître de « l’art du deal »
On sait, en revanche, quelle sera sa politique dans le conflit ukrainien s’il revient à la Maison Blanche. Son affection pour Poutine dictera ses pas. L’humeur isolationniste du pays aura sa part. L’ignorance ou l’indifférence de Trump pour ce qui est en jeu – le respect des frontières, notamment – pèseront. Résultat : la fin probable de l’aide militaire à Kiev (laquelle représente 0,33 % du produit intérieur américain…).

Puis, a expliqué Donald Trump, il lui faudra quarante-huit heures pour arriver à un accord entre deux hommes qu’il « connaît bien », Poutine et son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky. Ce dernier échangera la paix contre les concessions territoriales sollicitées par le premier. Simple, finalement, et, plus encore, quand la négociation est confiée au maître de « l’art du deal » !

La Russie s’est mise en ordre pour une bataille de longue durée – économie de guerre, mobilisation souple, appuis diplomatiques divers et nombreux clients pour ses hydrocarbures. « Elle a reconstitué un large stock de missiles, a prévenu l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord cette semaine. Dans les mois qui viennent, elle entend les utiliser pour détruire les centrales électriques et le système de chauffage de l’Ukraine. »

Le long d’une ligne de front qui n’a guère bougé, Kiev manque de munitions, de défenses antiaériennes, des F-16 promis et tant attendus, d’engins de déminage. La guerre de Gaza pèse sur les fournitures en provenance des États-Unis. Moscou aurait mobilisé quelque 112 milliards de dollars (104 milliards d’euros) pour les besoins de son offensive en 2024. A Washington, devant le Congrès, Biden peine à obtenir 60 milliards de dollars pour l’Ukraine.

Le déroulement des deux conflits s’accomplit ainsi avec la même et cauchemardesque toile de fond : l’ombre du retour de la chaotique diplomatie « Make America great again ».