Vladimir Poutine resserre son alliance avec l’Iran

Vladimir Poutine resserre son alliance avec l’Iran
الجمعة 17 يناير, 2025

Par Alain Barluet, correspondant à Moscou. Le Figaro.

DÉCRYPTAGE - Le président russe et son homologue iranien Massoud Pezechkian, doivent signer vendredi à Moscou un accord stratégique qui scellera un rapprochement spectaculaire, mais non sans arrière-pensées, entre leurs deux pays.

Le président iranien, Massoud Pezechkian, sera reçu vendredi à Moscou par Vladimir Poutine et ne repartira pas les mains vides. Moscou a d’ores et déjà annoncé que les deux dirigeants signeraient dans la foulée un accord de partenariat stratégique global. Une initiative préparée de longue date entre deux piliers du camp antioccidental, dont le rapprochement prend un relief très particulier à la lumière des événements récents. L'Iran vient en effet de voir son influence réduite par l'offensive israélienne contre ses alliés au Liban et en Syrie. Un pays d'où Bachar al-Assad, soutenu par Moscou et Téhéran, a dû fuir précipitamment, le 8 décembre, face à l'offensive d'une coalition de combattants menée par des islamistes. La Russie et l'Iran, voyant leur influence régionale battue en brèche et tous deux sous sanctions internationales, serrent les rangs. Comme ils l'ont fait en Ukraine, où l'armée russe a largement bénéficié ces trois dernières années de drones iraniens « kamikazes » Shahed, dont la fourniture n'a jamais été officiellement reconnue par Téhéran.

Même si son contenu demeure flou, le projet d'accord est d'ores et déjà comparé par certains au récent traité sur le partenariat stratégique global signé avec la Corée du Nord, qui prévoit une «aide militaire immédiate» en cas d'attaque par un pays tiers. La visite officielle du président iranien à Moscou intervient à trois jours de l'investiture de Donald Trump. Durant son premier mandat, le président des États-Unis avait envoyé bouler l'accord sur le nucléaire signé en 2015 avec Téhéran, qui prévoyait un allégement des sanctions en échange d'une limitation de ses ambitions nucléaires. Lors de sa dernière campagne, il a fait monter la pression vis-à-vis de l'Iran en suggérant de possibles frappes israéliennes contre ses centrales atomiques. Rien donc qui, au total, laisse présager une réduction des tensions. Entre la Russie et l'Iran, l'accord de partenariat stratégique global doit structurer les relations pour «les vingt années à venir», a prévenu l'ambassadeur de Téhéran à Moscou, cité par l'agence Tass.

<<Un moyen de défier l'Occident»
L'un des volets connus du document tient particulièrement à cœur à Vladimir Poutine, qui en parle régulièrement: le corridor de transport international nord-sud, reliant Saint-Pétersbourg à Bombay par route, voie ferrée et bateau via la Caspienne, le golfe Arabo-Persique et l'océan Indien. Ce projet ancien a été réactivé par Moscou depuis l'annexion de la Crimée et la guerre en Ukraine dans le but de contourner les sanctions mises en place en mer Baltique. La voie commerciale, dont les ports iraniens sont une pièce maîtresse, est plus courte en kilomètres (7200 contre 16000 via la Méditerranée et le canal de Suez), mais souffre de nombreuses ruptures de charge et d'insuffisances logistiques.

L'accord russo-iranien devrait notamment se traduire par la construction de quelque 160 kilomètres de voie ferrée manquants sur la rive occidentale de la Caspienne. Un mégaprojet qui « fera reculer les montagnes», s'enthousiasmaient récemment les médias russes, qui citent aussi un autre point du document signé vendredi: un hub gazier en Iran, lui aussi censé être immune aux pressions occidentales. Le mémorandum signé l'année dernière par Gazprom et la National Iranian Gas Company prévoit la fourniture annuelle de 110 milliards de mètres cubes de gaz russe à Téhéran. Une entreprise là encore conforme aux visées du chef du Kremlin, qui entend fédérer le « Sud global». Il mise pour cela sur les Brics, ce groupe de pays naguère considérés comme émergents que l'Iran a rejoint l'an dernier.

Aussi spectaculaire qu'il paraisse, le rapprochement russo-iranien n'en recèle pas moins d'évidentes limites. Par exemple, la coopération militaire entre l'Iran et la Russie reste limitée, relève le chercheur Clément Therme dans une note de l'Institut français des relations internationales (Ifri) de novembre dernier et aborde la mise à l'épreuve des relations entre les deux pays par la récente escalade au Proche-Orient. Même si le nouvel accord prévoit une coopération militaire accrue, force est de constater que «Moscou n'a toujours pas livré de systèmes de défense anti-missile russes S-400 (réclamés depuis longtemps par l'Iran, NDLR), en raison de ses hésitations ou de l'insuffisance de ses capacités militaires dans le contexte de la guerre en Ukraine, souligne l'expert. En matière énergétique et économique, les discordances ne manquent pas non plus, du fait notamment de la proximité de Moscou avec les monarchies du Golfe.

Au fond, explique Clément Therme, si l'Iran et la Russie coopèrent dans plusieurs domaines stratégiques, ils ne partagent pas d'objectifs identiques: l'Iran cherche à se positionner comme une puissance régionale incontournable, alors que la Russie, qui aspire à un rôle global, veut déstabiliser Washington dans le contexte de la guerre en Ukraine. Selon l'expert de l'Ifri, Moscou voit principalement Téhéran comme un moyen de défier l'Occident, mais cherche en même temps à calmer les velléités de confrontation de la République islamique. Reste à savoir comment ce jeu d'équilibre résistera à la tornade Trump.